Nous n’avons pas connu notre grand-père paternel, Roland, ou quasiment pas. Il est mort en 1959, alors que je venais d’avoir un an. Autant dire que je n’en ai évidemment aucun souvenir direct.
Né six mois après sa disparition, mon frère a hérité de lui son second prénom. Quant à moi, il me reste cette photo, prise au tout début de 1959 et qui témoigne malgré tout de notre rencontre.
Il s’efface dans nos souvenirs au profit de ses deux sœurs, Mauricette et Huguette, ainsi que leur mère à tous les trois, notre arrière-grand-mère Georgette. Bien qu’elles aient habité Paris et nous Reims, à cent-cinquante kilomètres de distance, elles sont très présentes dans notre enfance comme dans toute la suite de notre vie.
Après la mort de l’arrière-grand-père Maurice en 1954, les trois femmes continuèrent à vivre ensemble dans cet appartement du quartier Pernety où la famille s’était installée dans les années 20, en arrivant à Paris.
Mon père a toujours été très proche de sa grand-mère et de ses tantes, chez lesquelles son enfance avait souvent trouvé refuge au gré des accidents de couple de ses parents. Bien entendu, il était le petit roi de ces dames.
Tout naturellement Mauricette, l’aînée, devint donc ma marraine et Huguette celle de mon frère. Après la mort de notre arrière-grand-mère Georgette, en septembre 1966, nos grand-tantes restèrent toutes les deux rue Francis, jusqu’à leur expulsion dix ans plus tard. Mais c’est une autre histoire qui viendra dans quelques jours.
Car l’objet que je veux évoquer aujourd’hui nous renvoie bien longtemps en arrière, jusqu’au début du siècle. Georgette et Maurice se marient à Creil en 1903 et trois ans plus tard, le couple accueille sa première enfant. Le 24 août 1906, Maurice débarque en mairie pour déclarer sa nouvelle-née sous le prénom de… Mauricette. Aucun doute, c’est un fier papa qui se présente à l’officier d’état civil ce jour-là ;-))
Pour montrer la petite merveille au monde, on devait la parer de sa plus jolie layette incluant ce magnifique bavoir marqué à son prénom, qui était assurément celui des grands jours. Mais comme les bébés ne sont pas toujours soucieux du beau linge brodé, il a tout de même dû connaître le lavoir et les coups de brosse énergiques, dont témoigne l’émouvante usure à l’endroit du cou.
À Creil, la petite famille habite chez les grands-parents de Georgette qui est orpheline depuis son plus jeune âge. C’est Rosalie, sa grand-mère, qui part la première quelques mois après la naissance de Mauricette, puis le vieux cheminot qui les quitte à ses six ans.
La même année, en 1912, la fillette va alors vivre à la fois la mort de son arrière-grand-père, l’arrivée de son petit frère Roland et le déménagement pour la rue de Montataire où Georgette ouvre son restaurant des pommes sautées. Je l’imagine assez, gamine, se baladant entre les tables où sa mère donnait à manger aux cheminots et aux ouvriers des usines toutes proches.
Malheureusement, je n’ai pas de photo d’elle portant son beau bavoir, ni même lorsqu’elle était tout bébé. La première fois qu’on l’emmena chez le photographe, elle se tenait déjà debout comme une grande, et bien droite. N’est-elle pas à croquer, ma jolie marraine ?
Je vous reparlerai d’elle le jour du G comme Glycines Parisiennes et surtout le jour du M comme Mauricette.
31 commentaires sur “B comme… le Bavoir de Mauricette”
ah si les photos avaient la parole !!! Tendres et émouvantes tes photos, un trésor n’est-ce-pas ?
violine
Et encore, celles où l’on connait les protagonistes nous frustrent moins. Mais lorsqu’elles sont pleines d’inconnus, alors là, il faudrait bien qu’elles puissent s’exprimer !
Bonsoir Sylvaine
Un article très émouvant, avec beaucoup d’amour dans les regards. Le bavoir de ta marraine , est un joli souvenir. Moi, ma Maman m’a donné celui que j’avais étant toute petite. Je le garde précieusement. Ta marraine était une bien belle petite fille dans sa magnifique robe blanche. Ma Maman me parlait beaucoup de toute sa famille, et j’ai plein de photos et de souvenirs. Bonne soirée. À demain. Gros bisous.
C’est génial, que tu aies encore le tien !
Que de tendresse dans le regard de ce grand-père, et tout au long de ce billet également, l’usure du bavoir m’a fait fondre d’émotion
C’est exactement le genre de détail qui nous parle de la vie des objets.
Comment un bavoir brodé peut raconter une tendre histoire !
Les photos sont le reflet de beaucoup d’amour,
Comme je suis optimiste, je me dis que les jolis souvenir seraient là même sans les objets, mais ça et les photos, c’est vrai que ça aide à se retourner vers le passé.
J’adore ta photo de famille de février 1966, le regard aimant de ton GP Roland sur toi avec ce petit mouton en peluche (l’as-tu toujours?) et ta marraine petite fille est vraiment à croquer….! Un article plein d’amour, de douceur et de chaleur humaine….
Oh non ! La petite peluche a disparu depuis longtemps, j’ai gardé très peu de jouets de l’enfance, heureusement sinon là, je ne m’en sortais plus 🙂
Un texte plein de tendresse et de poésie. Petit bonheur du matin.
Merci 😉
Ce petit bavoir est émouvant , mais les regards aimants le sont tout aussi .
J’avoue que je suis chanceuse, je trouve que mon père savait saisir de jolis moments.
On a dû en prendre soin, car ce bavoir n’est pas taché, il est resté en bon état, même s’il a servi.
On ne se rend pas bien compte sur les photos, mais il est vraiment à la taille d’un tout petit bébé. Je me dis que tata l’a peut-être aussi un peu usé sur sa poupée ?
Mais oui, ma grand-mère m’avait donné des petits bavoirs brodés pour mes poupées.
Qu’il est beau ce bavoir ! j’en ai aussi 2 ou 3 brodés mais sans prénoms!
Je ne connaissais pas du tout son existence, il m’a été offert récemment par une tante qui n’est pas tellement attachée aux affaires de famille. Mais au moins, elle m’en fait profiter !
Quel bel article, quelle belle plume
Et cette petite Mauricette si sage sur la photo, belle comme une poupée de porcelaine
On imagine mal que cette enfant salissait son bavoir
Encore bravo pour tes articles Sylvaine
Merci Brigitte, ça me touche. Tu sais ce que c’est, les bébés (oh oui, tu le sais !), on n’en fait pas toujours ce qu’on veut 😉 Un instant sages comme une image, et l’instant d’après transformés en petits diables.
La tendresse dans le regard de Roland…
et ce bavoir est absolument magnifique! Que d’amour (maternel grand-maternel?) dans cet ouvrage!
et oui, ta marraine est bien jolie (et superbement vêtue!)…
On sent une famille aimante et des femmes amoureuses du beau linge! Les cheins ne font pas des chats, on voit bien d’où tu viens 😉
Ah ! J’aurais aimé en savoir plus sur ce bavoir, mais il m’a été offert récemment et la grand-tante qui me reste est un peu moins réactive à mes questions… Mais figure-toi que non : c’est le seul élément brodé qui me vient de ma famille ! Je crois que je tiens tout de ma maman couturière 😉
C’est fou comme l’usure d’un bout de tissu peut nous émouvoir , encore plus ces photos, petits bouts de vie…s
Mais oui, exactement ! C’est ce petit effilochage qui témoigne de l’usage, et de la vie qui passe, c’est lui qui donne son âme à l’objet.
Un Challenge beau comme du Lamartine. Objets inanimés, avez vous donc une âme…
Pour moi, la réponse ne fait aucun doute 😉
Quel joli bavoir, et quelle jolie marraine ! 😍
Je trouve qu’à 21 ans d’écart, elle a une bouille et une attitude décidée assez similaires à celles de sa maman au même âge, que j’évoquais ici https://passerellegenealogie.fr/jour-5-la-photo-la-plus-ancienne/
J’aime beaucoup ton article, très touchant. Beaucoup d’amour dans les deux premières photos…
C’est amusant, j’ai une photo de mon parrain (cousin germain de ma mère) avec le même type de « chaise » (?), mais sans les fleurs, hi hi…
Ce bavoir est superbe, malgré les années… est-ce que ta marraine te parlait souvent de son enfance ?
Belle journée, bises
Ma marraine est morte en 2005 alors que je ne m’intéressais pas encore à la généalogie, alors si nous avons parlé de son enfance, c’était très incidemment. Mais j’ai la chance d’avoir encore sa sœur, la marraine de mon frère, qui a 17 ans de moins. C’est par elle, principalement, et aussi par mon père, que j’ai recueilli toutes les anecdotes concernant la famille de ce côté-là.