Ça fait 109 ans aujourd’hui. Le 18 avril 1912, c’est la date à laquelle meurt mon ancêtre à la sixième génération, Jean Antoine Lesbroussard. Il ne me semble pas si lointain puisqu’il est le grand-père de mon arrière-grand-mère Georgette que j’ai bien connue.
Toute sa carrière, il l’a faite à la Compagnie des Chemins de Fer du Nord, d’abord comme chauffeur puis comme mécanicien, basé à Creil depuis le milieu du XIXème siècle. Le vieux cheminot y vit sa retraite, dans la bien nommée impasse du Chemin de Fer qui, à cette époque, vient encore butter contre les voies ferrées creusant leur sillon dans la ville. Veuf depuis cinq ans, il habite là avec le couple de sa petite-fille Georgette et son mari Maurice, ainsi que leur première-née, Mauricette, qui deviendra bien plus tard ma marraine.
Quand Jean quitte ce monde, il lui reste deux héritières : sa fille Marie et sa petite-fille Georgette, justement ; elle vient en remplacement de sa maman, Estelle, décédée 18 ans plus tôt.

Ce qui constitue la succession, c’est la maison de l’impasse du Chemin de Fer avec son mobilier. Le viatique n’était probablement pas énorme : tous comptes faits et rabattus, il revient à Georgette la somme de 2400 francs. Mais en tout cas, elle lui suffit pour réaliser son projet.
Quelques semaines après, mes arrière-grands-parents ont quitté l’impasse du Chemin de Fer pour reprendre, à deux pas de là, une de ces petites boutiques où l’on trouve de tout. Ils n’ont qu’à investir dans leur fonds de commerce car les murs appartiennent aux parents de Maurice.

Georgette y tient épicerie et y sert à boire, chez elle on peut même jouer au billard. A l’arrière du bâtiment qui donne sur les quais de l’Oise, elle propose quelques chambres meublées. Le midi, elle fait manger les cheminots de la Compagnie du Nord.
En dehors de ce que m’en disent les archives, je sais une seule chose de cet endroit : les ouvriers qui le fréquentaient disaient toujours qu’ils s’en allaient déjeuner au restaurant des pommes sautées, car c’était le plat que mon arrière-grand-mère réussissait par-dessus tout. Comment dirait-on aujourd’hui ? Ah oui… son plat signature !

Principalement en raison de sa situation stratégique de nœud ferroviaire, Creil a été victime de terribles bombardements pendant la première guerre mondiale. Les destructions ont beaucoup affecté Georgette et le calme revenu, rien ne put la convaincre d’y rester. Ce fut la fin du restaurant des pommes sautées et le début d’une nouvelle vie à Paris.
L’ancienne boutique de Georgette est bien menacée aujourd’hui et je crois qu’il est tout juste temps de saisir ce qu’il en reste. L’arrière du bâtiment qui donnait sur le quai d’Aval a déjà disparu ainsi que sur la droite, la mercerie que tenait Juliette, la mère de Maurice…

16 commentaires sur “18 avril 1912 {Jean Antoine}”
J’aime beaucoup suivre l’histoire de tes ancêtres, à chaque fois, je me dis qu’il faudrait que je me replonge dans la mienne… malheureusement, personne dans ma famille n’a pris le temps de conserver beaucoup de traces, et quand la dernière personne qui aurait pu m’en parler s’en est allée, il était trop tard pour que je recueille son témoignage… le temps a passé, j’ai le regret d’avoir beaucoup de « trous » dans ma généalogie, mais je ne désespère pas de m’y pencher un jour…
Les pommes de terre sautées, c’est un de mes régals, surtout avec une petite salade croquante, l’alliance de l’acidulé de la vinaigrette et les pommes de terre bien chaudes et dorées, miam ! j’ai eu l’occasion également de goûter à une « vraie » salade de pommes de terre lyonnaise, miam !! en fait, j’adore les pommes de terre sous toutes leurs formes…
Merci de partager avec nous tes histoires de famille, j’adore !
Belle journée, bises
Ma chère Nini, la seule chose qui me vient des récits de famille, c’est l’histoire des pommes sautées, tout le reste ce sont les archives, elles nous racontent tellement de choses aussi… Ah il y a aussi la raison du départ pour Paris, parce que Georgette était démoralisée par les destructions à Creil. Il faut dire que de ce côté-là, j’ai la chance d’avoir encore la plus jeune fille de Georgette, ma grand-tante qui fêtera ses 98 ans à la fin de l’année. Bises
Alors là chuis perdue dans les branches de ta généalogie. 🙂 mais qu’est-ce que c’est intéressant de plonger dans le temps. Et dans le plat signature …:)
Il faudrait que j’ai un arbre en ligne mais je n’ai pas encore pris le temps de saisir ma généalogie… je préfère faire les recherches et raconter mes petites histoires 🙂 Mais quand même, ce serait mieux si j’avais un système pour se repérer un peu plus élaboré que le tri entre les quatre branches de mes grands-parents !
je pensais que tu avais saisi ton arbre . Généanet est bien (gratuit ou payant) et facile dans la saisie et l’on peut aussi mettre quelques annotations familiales (lol).
Un petit bout de ton histoire toujours aussi captivant
bises
violine
Les pommes sautées étaient très prisées. Enfant , une année j’étais en vacances dans le Loiret accueillie dans une petite pension de famille , les pommes sautées étaient divines , je crois que j’en reconnaîtrais le goût encore aujourd’hui.
Quant à l’urbanisation , ici la moindre parcelle se voit occupée par une maison individuelle..
Elevée par ma grand-mère maternelle , comme vous j’ai connu une HLM au 4ème sans ascenseur et le charbon à la cave, sans baignoire sabot. Malgré tout je garde un très bon souvenir de ces années . Bonne soirée
Ah oui ! Moi j’en ai un très bon souvenir, pardi… le charbon ce n’était pas moi qui le montait, c’était le Papa 🙂 Je crois que bien plus tard, mes parents ont quand même été contents de pourvoir passer à l’étape suivante, la maison avec son jardin à la campagne, le rêve des années 70… Ainsi va la vie… Bonne soirée Michèle.
Bonjour Sylvaine
Les villes évoluent vite depuis trente ans et un peu plus. Ici, il y a souvent des expositions à la Mairie, préparé par un ami qui travaille aux archives de la ville. Parfois pour étoffer son expo, il demande aux habitants de lui fournir des photos ou des cartes postales, des lieux afin de voir comment étaient les quartiers avant et après transformations. Certains quartiers ont beaucoup changés, et d’autres se sont transformés en gardant certains bâtiments qui ont simplement changés de fonctions, comme la Mairie devenue trop petite, qui est devenue un commissariat de police. Notre maire essaie de conserver certains monuments et les met en valeur. Je trouve cela très bien. Dire que jusqu’en 1947, là où j’habite, il y avait des vignes. Cela a bien changé.
Je pense que si il n’y avait pas eu la guerre et ses bombardements, ta mémère Mauricette serait peut être restée et aurait continué à faire la cuisine pour les cheminots. Sait-on jamais !! Bon Dimanche ensoleillé. Gros bisous.
Imagine-toi que quand Georgette et Maurice sont venus s’installer à Paris après la guerre, il y avait une ferme juste en face de chez eux ! Oui, en plein cœur de Pernety ! C’est à la place de cette ferme que bien plus tard, Frédéric Miterrand a créé l’Entrepôt. Tiens, c’est une idée, ça, je devrais faire un billet sur l’évolution de ce quartier 😉
Belle histoire que voilà!ah les patates sautées,rien que le nom me rappelle bien des souvenirs!les miennes n’ont pas cette saveur!fille et petite-fille de cheminot,j’ai vu la démolition de deux de nos cités SNCF,une troisième est aussi prête à être démolie,vidée de ses occupants….ce trou béant m’attriste!9 enfants et mes parents dans un quatre pièces…à la cité une comme on disait!nous n’étions pas malheureux!celle-ci et la deux sont encore occupées mais pour combien de temps…j’ai été pendant deux ans animatrice à l’association touristique des cheminots avant d’intégrer l’hôpital jusqu’à ma retraite….et ma grande est conductrice de train!j’adorais aller chez mon grand-père maternel,sa maison longeait la voie ferrée…les beaux trains étaient toujours attendus avec impatience bien que nous avions pour interdiction d’approcher la voie!comme tu vois,cheminot est aussi une histoire de famille…belle journée bisous josie
Ah Josie ! L’attraction des enfants pour les trains, de tous temps la terreur des parents ! Oui nous avons la nostalgie des immeubles que nous habitions étant enfants, ils étaient notre royaume 😉 Nous avons la nostalgie de notre enfance serait-il plus exact de dire, car aujourd’hui laquelle d’entre nous rêverait d’habiter, comme dans notre HLM, un 4ème sans ascenseur et de remonter le charbon de la cave pour se chauffer ? Et je ne parle pas de la baignoire sabot grande comme un dé à coudre qui était pourtant le graal de mes parents… mais il faut dire qu’ils venaient d’un appartement dans les combles où ils devaient descendre 2 étages pour aller aux toilettes dans la cour. Super pratique avec deux moutards… Ça change drôlement les perspectives. Bonne journée à toi.
« Restaurant des pommes sautées »….j’adore! D’ailleurs, ces pommes sautées que tu nous montre dans ce cliché, son aussi les pommes sautées que ma mère faisait régulièrement à la maison et qui leur valut d’être baptisées par la famille de « patates-Chantal » du prénom de ma mère…. xxx bises
Je pense que le plat signature de mémère Georgette était effectivement celui de beaucoup de cuisinières familiales, ah ah ah ! Je n’y ai jamais eu droit, le seul souvenir que j’ai de sa cuisine ce sont ses soupes à la tomate et son riz blanc tellement sur-cuit qu’il aurait plutôt mérité le qualificatif de purée. Ma foi… nous devions être bon public étant enfants, nous adorions. Bises 😉
Je ne sais pas pour Dijon mais si tu savais combien tous les anciens quartiers et même ceux non situés près de friches ou d’anciens quartiers industriels ( je fais le rapprochement entre tes deux publications) sont aujourd’hui la proie des bulldozers et de la folie constructrice des municipalités – en tout cas la nôtre.
Pas sûr que quelqu’un aux archives départementales prenne la peine de garder des clichés des maisons, jardins, placettes….
A Dijon la construction est davantage le fait de l’initiative privée que de la commune. Pour ce qui concerne les initiatives publiques d’une manière générale, elles sont surtout intervenues sur la requalification des friches des anciennes casernes. Entre ça et le remodelage de la ville avec la création bienvenue du tramway, je trouve que nous avons de la chance et que la ville a très agréablement évolué depuis une vingtaine d’années. Ce qui me fait surtout mal au cœur, ici comme ailleurs, c’est l’urbanisation des espaces agricole situés en périphérie, mais tant qu’on est dans le renouvellement urbain, je dirais que c’est moindre mal.
Pour les archives départementales, elles n’ont pas vocation à documenter directement l’évolution des villes et des lieux en général. En revanche, dans leur rôle de conservation des archives publiques, oui, je sais qu’elles sont particulièrement attentives aux corpus sur ce sujet, en tout cas j’ai eu personnellement l’occasion de le constater chez nous.