A comme… l’Âme des objets

Je n’en prends vraiment conscience qu’au moment d’aborder ce challengeAZ 2022 dédié aux objets familiaux : je vis environnée de choses qui me murmurent à l’oreille.

Les choses ont leurs secrets, les choses ont leurs légendes
Mais les choses murmurent si nous savons entendre

Barbara Drouot

Aimer les objets

Beaucoup viennent de chez mes parents, bien sûr, récupérés au fur et à mesure qu’ils voulaient s’en débarrasser comme leur table de séjour, ou après leur disparition comme le cabriolet médaillon dont ma mère avait fait son fauteuil favori. Il y a aussi ceux dont ils m’ont offert la restauration à l’occasion d’un anniversaire ou d’un Noël parce qu’ils savaient que j’y étais attachée. Ainsi en est-il de l’armoire de l’arrière-arrière-grand-mère Juliette, de la machine à coudre de mémère Titine ou du lit de fer venant lui aussi de chez mes grands-parents, transformé en divan et sur lequel je suis bien installée en ce moment pour dérouler mon challenge.

Mais d’autres me rappellent des étapes de ma vie, comme cette caisse de coutelier nogentais idéale pour mettre ma télé juste à la bonne hauteur, donnée par un artisan en ciseaux si souvent croisé dans les salons de broderie. Comme cette petite commode, sauvée à la liquidation du couvent dans le village varois où j’ai vécu pendant huit ans. Comme cette vitrine de laiton récupérée à la rénovation du vieux musée qui a occupé six ans de ma vie professionnelle.

Et je n’ai fait que parcourir des yeux le séjour dans lequel je me trouve à l’instant où j’écris !

Pourtant je n’ai à aucun moment la sensation oppressante de vivre dans les souvenirs. Et ce n’est jamais la tristesse qui me vient quand mes yeux se posent sur le fauteuil dans lequel ma mère a quitté la vie : juste une bouffée de tendresse en l’y revoyant assise en tailleur comme elle aimait le faire, si frêle dans sa posture de petite fille alors qu’elle atteignait déjà la fin de sa vie.

Mais à la vérité, je ne pense à rien de tout cela dans ma vie quotidienne. Tout simplement ces objets qui ont eu une histoire avant moi sont devenus les miens, parce que j’en ai eu besoin à un moment ou parce que je les ai aimés, les deux le plus souvent. Je me les suis appropriés, je suis rassurée de vivre au milieu de choses qui ont un sens et pas seulement une apparence.

Je crois que j’aime ce qui dure et que je n’aime pas ce qui se consomme.

Passer la mémoire

Les objets familiaux étaient donc un support idéal pour ce challenge AZ et surtout pour me permettre de débuter un récit auquel je réfléchis ces derniers temps.

Depuis que je me suis entichée de généalogie, assez récemment finalement, j’ai bien sûr beaucoup questionné la famille sur notre histoire récente. On m’a donc rendue dépositaire de souvenirs qu’au fil du temps et des disparitions, je finis par être la seule à connaître ; puis tout naturellement, on m’a confié les papiers, les photos et les objets-souvenirs venant des générations précédentes.

Mon premier souci était qu’il en reste quelque chose si, un jour, une petite pousse des générations suivantes voulait s’en emparer.

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Ma dernière moisson familiale à Paris, il y a un an

D’autre part, je suis toujours assez frustrée -et je crois ne pas être la seule- de ne connaître le parcours de beaucoup de mes gens que par le truchement des archives administratives, par nature assez sèches. Mais quelles étaient leurs émotions lors des grands évènements de leur vie ? Quel regard portaient-ils sur leur époque ? Comment étaient-ils impactés par les soubresauts de l’histoire ?

J’envie ces généalogistes qui, au détour d’une série J, ont la chance de tomber sur un livre de raison concernant leur famille ou qui, plus récemment, ont recueilli le précieux journal écrit par une de leurs ancêtres. Peut-être est-il temps que je contribue, moi aussi, au plaisir des générations futures en racontant des souvenirs concernant ma propre cellule familiale.

C’est toujours difficile d’évoquer des évènements qui nous touchent de près, principalement parce qu’on minimise leur intérêt pour les autres ou qu’on craint de faire preuve d’immodestie en parlant de soi. Mais si c’est un exercice de funambule, il me semble que partir des objets aide à matérialiser les sentiments en conservant la bonne distance.

Au milieu des souvenirs des quatre générations qui nous ont précédés, je prévois donc d’en glisser quelques uns qui concernent directement notre enfance. Si j’arrive à m’en sortir, je crois que je poursuivrai, peut-être par une autre voie.

Et vous, comment vous y prenez-vous pour raconter l’histoire récente de votre famille ?

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