L’objet du jour est un survivant. Comme tous les autres, il a courageusement résisté au désintérêt et au temps, ce qui n’était pas acquis vu sa particulière fragilité. Mais surtout, il a réchappé chez moi à l’écroulement d’un haut de buffet avec bris en mille morceaux de toute la verrerie qu’il contenait.
J’avoue que ce jour-là, voir le pot à biscuit de mémère Georgette et ses jolies violettes miraculeusement intacts au milieu des débris m’a fait oublier tout le reste de la casse.
Curieusement, alors qu’elles n’ont jamais été chiches en anecdotes sur leurs grands-parents, leurs oncles et même leur propre vie, mes grands-tantes n’ont jamais évoqué avec moi l’itinéraire de leurs parents avant qu’elles ne viennent au monde. Est-ce une constante, chez les enfants, de ne s’intéresser à leurs parents que dans cette fonction ? Car je me rends compte que bien qu’ayant beaucoup et librement parlé avec les miens, je serais toujours dans le flou sur la manière dont s’est formé leur couple si je n’avais pas recueilli leur correspondance de l’époque.
Toujours est-il que je n’ai aucune information sur la rencontre de Georgette et de Maurice. Mais comme leurs deux familles vivaient à Creil, à peine à une centaine de mètres l’une de l’autre, je crois pouvoir en déduire sans guère d’incertitude qu’il s’agit d’un rapprochement de voisinage. Ils n’avaient qu’un coin de rue à tourner pour se conter fleurette.
Georgette est orpheline très tôt puisqu’elle perd sa mère alors qu’elle n’a que neuf ans et son père l’année suivante. Heureusement, un réseau de solidarités familiales se met en place autour de la fillette. Elle est entourée à la fois par ses grands-parents maternels, chez qui elle vit, et la famille de sa grand-tante maternelle dont le mari devient son tuteur attentif. Elle a dix-huit ans au moment où elle arrive au mariage.
Maurice a vingt ans et exerce déjà le métier de comptable qu’il gardera toute sa vie. Il habite chez ses parents, Juliette et Eugène, au-dessus du commerce de mercerie que tient sa mère.
À huit heures du matin, le jour même du mariage qui eut lieu le 23 septembre 1903, ils se présentent tous deux chez le notaire, accompagnés des parents de Maurice et des grands-parents de Georgette. Juliette et Eugène dotent leur fils de 1 700 francs en bon argent et lui donnent de quoi équiper le ménage pour une valeur de 500 francs. Pour ne pas faire de jaloux, c’est à la même somme qu’est évalué le mobilier de Georgette. Le reste de son apport résulte de la succession de ses parents : 535 francs en liquide et un terrain de 700 mètres carrés sur la commune voisine de Nogent-les-Vierges.
J’ai retrouvé un exemplaire de leur contrat de mariage dans les papiers de famille. C’est l’occasion de constater que le copiste s’est bien davantage appliqué sur le document remis aux clients que le clerc ne l’a fait sur la minute versée aux archives. Et d’ailleurs, il a beaucoup moins pleuré le papier : quatre pages pour la minute, douze pages pour la copie ! Mais il semble que la pratique était courante et avait pour but de compresser au maximum les archives conservées par le notaire.
Ce contrat est, dans les archives familiales, le seul document restant de l’évènement auquel manifestement on ne convia point le photographe. Car si ça avait été le cas, mes grands-tantes en auraient à coup sûr conservé une trace dans leur album. Cependant, j’ai tout de même une image du jeune couple assistant à un mariage que je n’ai pas encore identifié avec certitude mais que je soupçonne d’avoir été extrêmement proche du leur, probablement dans la famille Dhersignerie, celle du tuteur de Georgette.
Je ne vais toutefois pas m’en plaindre puisque sont parvenus jusqu’à moi leur extraordinaire médaille de mariage avec l’alliance de Georgette et ce délicat pot à biscuits.
La seule anecdote qui ait subsisté de leurs noces dans l’histoire orale de la famille concerne justement ce pot de verre émaillé, dont il se dit qu’il leur fut offert rempli de biscuits de Reims. Comme quoi ce ne sont pas toujours les informations essentielles qui parviennent aux générations suivantes !
J’aime ces signaux envoyés par le hasard à travers le temps et l’espace. Car lorsque trois décennies après son mariage, Georgette tenait dans ses bras son petit-fils nouveau-né, pouvait-elle deviner que ce petit Pierrot partirait plus tard faire sa vie précisément à Reims pour y semer sa descendance en devenant notre papa ?
20 commentaires sur “V comme… Violettes de Verre”
Quel bonheur de vous lire !!
Merci Isabelle 😉
un objet = des souvenirs… Magnifique ce pot à biscuit… Les nôtres (enfin ceux de mes grands-parents se sont partagés, d’autres donnés, d’autres … jetés !!! J’ai récupéré un service à boisson (carafe et verres joliment décorés de fruits) en opaline dont je n’ose l’utiliser tellement cette matière est fragile (lol) mais j’y tiens malgré tout !
violine
Quand un de ces objets se brise, c’est plus qu’un objet qui disparait, c’est tout un monde de souvenirs.
Aucun indice sur la fabrication de ce bel objet??? Cela doit venir d’une verrerie de qualité. Mon grand-père paternel avait travaillé à la cristallerie de Porteux dans les Vosges. Cela donne l’idée de rechercher toutes ces industries de la verrerie qui font toujours de superbes objets durables
Non, aucun marquage. Mais effectivement, la réalisation est très fine et la peinture a bien tenu, il n’y a pas un accroc. Peut-être aussi n’a-t-il pas ou peu été utilisé…
Cela ressemble à de la verrerie de Legras, art nouveau. Il y a des « seaux à biscuits » comparables sur Internet, avec des anmones, des iris…En tout cas, une très belle pièce.
Quelqu’un de spécialisé dans ce domaine saurait peut-être identifier la provenance ? Mais le décor est bien dans le goût de l’époque, il est possible aussi qu’il y ait plusieurs origine potentielles.
Quelle chance que ce pot soit en votre possession, avec une telle péripétie.
Il y a des objets auxquels on tient énormément,
Bon après midi
Oui, en vérité ils sont irremplaçables car ce sont bien plus que des objets.
Un miraculé de toute beauté ❤️
Ah oui, c’est le mot, un vrai miraculé 😉
Ah ! Ces catastrophes domestiques !
Toute mon enfance ,j’ai entendu ma mère ,dès qu’on s’approchait de ses « trésors »accumulés dans « MA VITRINE !»
A mon tour j’ai succombé au charme des objets fragiles et précieux , exposés bien à vue dans la vitrine d’un deux -corps Charles X (bien arrimée )
Ce qui est plaisant avec vos articles journaliers ,c’est qu’ils ramènent des souvenirs à chaque fois.
Malheureusement,on arrive à la fin de l’alphabet…..
Alors j’ai envie de dire… heureusement 😉 Car je suis au bout de mon avance et je produis à flux tendu, je ne referai plus un tour d’alphabet comme ça. J’en plaisante mais merci, ça me fait très plaisir.
Adorable ce pot à biscuits et quelle chance qu’il soit intact…!….Et les biscuits roses « à champagne » comme les appelaient mes parents…quels doux souvenirs de ma jeunesse angevine…
J’adore la photo de ce mariage avec ces tenues féminines si élégantes que j’adore mais qui devaient faire souffrir plus d’une qui n’avait pas une taille de guêpe….! J’avoue que ma petite taille aurait tout à fait convenu à ce genre de robe….LOL….
Quant au fameux « trousseau »….j’ai 1 ou 2 spécimens de serviettes de toilette et torchons hérités de ma mère et GM et je me sers régulièrement et avec grand plaisir de ces torchons aux bandes rouges dans ma cuisine, je les adore et il n’y a rien de tel pour l’efficacité d’essuyage…..
Mais oui ! Sans vouloir faire ma vieille (mais un peu quand même, ah ah ah !) je n’utilise que les torchons de ma mère qui n’ont pas leur pareil dans la production moderne. M’en fiche, j’en ai pour jusqu’à la fin de mes jours 😉
C’est un miracle que ce pot si délicat soit intact après sa chute . Ces petits biscuits sont encore très appréciés de nos jours .
Il n’est pas tombé, en fait, c’est tout une histoire 😉 Il était posé entre les deux corps (il y est toujours, d’ailleurs, parce que j’aime bien l’avoir sous les yeux tous les jours) lorsque le corps du haut est tombé et a été miraculeusement bloqué dans sa chute par la table, au ras du pot à biscuits.
Quel bel objet ! Je suis contente que tu aies pu le conserver… ah, les biscuits de Reims… dans la famille de mon grand-père maternel, c’était LE petit gâteau que l’on servait quand on recevait…
Je ne sais pas si mes arrières grands-parents ont fait un contrat de mariage, une idée de recherche à creuser, peut-être ??
Le partage de ton histoire familiale est passionnant, merci de le partager avec nous.
Belle journée, bises
Il y a des gourmandises emblématiques 😉 Pour le contrat de mariage, il suffit de regarder l’acte pour le savoir : depuis 1851, ses caractéristiques ou le constat de son absence y sont obligatoirement mentionnés par l’officier d’état civil.