U comme… Union et médaille de mariage

Aujourd’hui à la une

Je n’avais jamais vu une médaille de mariage et j’ignorais tout de l’existence de ce genre d’objet avant d’en chiner une tout à fait par hasard, pour la simple raison qu’elle était jolie et surtout qu’elle était frappée à mes initiales. Il a fallu que je la regarde d’un œil un peu plus attentif pour comprendre ce qu’elle symbolisait.

J’ai évidemment cherché à me documenter, si bien qu’à l’automne dernier, lorsque j’ai recueilli les photos et les souvenirs familiaux qui restaient dans l’appartement de ma grand-tante, j’ai immédiatement compris ce que j’avais en main et mesuré ma chance : la pièce de mariage de mes arrière-grands-parents en 1903 !

médaille de mariage

Je reviendrai sur le mariage lui-même demain, avec l’un des cadeaux de la noce. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est plus particulièrement cet objet qui allait de pair avec les alliances mais, contrairement à elles, est complètement tombé en désuétude aujourd’hui.

La pièce de mariage dans les guides de savoir-vivre

La médaille de mariage était pourtant une composante incontournable de la corbeille que se devait d’offrir le fiancé à sa promise. Même le Littré, ce juge de paix du langage, l’avait intégrée à ses définitions en 1873. Pièce de mariage : médaille d’or ou d’argent que le mari donne à sa femme pendant la célébration du mariage religieux, et sur laquelle sont gravés les noms des époux et la date du mariage.

Les manuels divers et variés consacrés à la (bonne) façon de se tenir en société ne manquent jamais de l’évoquer lorsqu’ils décrivent le cérémonial à observer le jour du mariage. Ainsi en est-il du Guide des familles : cadeau de mariage, qui propose trois compositions de corbeilles pour différentes fortunes. Tous les éléments peuvent varier dans leur valeur et même dans leur présence ou pas. La seule chose qui reste immuable, c’est le lot Pièce de mariage et anneau pour 25 francs !

Les guides de savoir-vivre sont unanimes sur le sujet, comme par exemple celui d’Ermance Dufaux de la Jonchère, en 1883, Le savoir-vivre dans la vie ordinaire et dans les cérémonies civiles et religieuses. Elle fait le lien entre la symbolique pièce de mariage, qui évoque l’achat de la fiancée, et la médaille qui constitue davantage un cadeau d’apparat :

La pièce de mariage fait aussi partie de la corbeille. Elle était autrefois indispensable. C’était une pièce d’or ou d’argent, nouvellement frappée, que l’on faisait bénir, en même temps que les anneaux.
Cette coutume était un vestige de l’antique usage, qui obligeait le mari à acheter sa femme.
Dans nos campagnes, la mariée reçoit encore une menue pièce de monnaie, qu’elle fait bénir et percer. Elle la porte ensuite attachée au cou par un ruban, ou suspendue, en guise de médaille, à son chapelet.
Lorsque la pièce de mariage se glisse dans une corbeille mondaine, c’est sous forme de médaille
commémorative, en or ou en argent. L’orfèvre qui la frappe donne à choisir, entre quelques modèles, un sujet allégorique. Le revers porte les noms des deux conjoints et la date de la cérémonie.

La noce à la cascade – Paris Illustré du 1er mars 1887

La médaille de mariage apparait toujours comme indissociable de l’anneau d’alliance et doit être bénie par le curé en même temps que lui, avant d’être offerte à la fiancée. La baronne de Staffe, dans son guide Usages du monde : règles du savoir-vivre dans la société moderne, en 1899, livre même une description très précise de la manière dont doit être remise cette médaille :

Dès l’arrivée, le marié a livré à un sacristain la pièce de mariage et l’acte du mariage civil.
Les anneaux aussi sont remis à ce sacristain, qui les offre sur un plateau, au moment de la cérémonie où ils sont échangés. Autrefois, la femme seule portait la bague d’alliance; aujourd’hui, une coutume anglaise, d’origine princière, s’est généralisée chez nous : l’époux, aussi bien que l’épouse, porte l’anneau, signe extérieur des obligations conjugales. La date du mariage est gravée à l’intérieur de chaque anneau avec le prénom de la femme dans celui du mari et le prénom du mari dans celui de la femme. (…)
Ce n’est qu’en donnant à l’épousée sa médaille de mariage que le prêtre vient de lui rendre que le jeune homme dit ou devrait dire à celle qui va être à lui : « Je vous remets ce signe des conventions faites entre vos parents et les miens »
.

Qu’est devenu l’anneau de Maurice ? Peut-être est-il parti avec lui. Seule est arrivée jusqu’à moi l’alliance de Georgette, qui était resserrée dans le même écrin que sa médaille de mariage. À l’intérieur est très finement gravée cette inscription : M. Lenoir et G. Rottée unis le 23 Septembre 1903.

Une pièce de mariage impériale

Comme le souligne la comtesse de Bassanville en 1867 dans son Guide des gens du monde dans toutes les circonstances de la vie, la pièce de mariage est pour tout le monde, riches ou pauvres : Il y a de pauvres villages où un gros sou remplit l’office de cette pièce, qui doit être bénie pendant la célébration du mariage.

Mais ce ne sont pas les plus modestes qui font la une des journaux.

Mariage de Napoléon III avec Eugénie de Montijo – Musée Carnavalet

Au début de l’année 1853, le mariage d’Eugénie de Montijo et de Napoléon III défraie la chronique et excite la curiosité de la France entière. L’attrait pour la vie des célébrités est décidément une constante qui traverse le temps… Le Constitutionnel du 29 janvier décrit avec force détails le contenu de la corbeille de mariage et évoque bien sûr la médaille et les anneaux.

Autant les alliances paraissent simples en comparaison, autant la médaille est luxueuse : La pièce de mariage est en or massif, avec diamans sur la tranche. D’un côté se trouve le chiffre de Napoléon III et celui de Marie-Eugénie de Guzman ; de l’autre est inscrite en diamans la date du mariage de Leurs Majestés. Les anneaux sont en or mat, larges et unis.

Treizain, douzain, denier pour épouser

Les numismates aussi se sont intéressés à ces pièces, en y portant le regard de l’historien. En 1936, Jules Florange déplore déjà leur disparition : C’est chose regrettable, autant pour la numismatique que pour le culte des souvenirs de famille. Je confirme, Jules : je suis ravie que celle de mes arrière-grands-parents soit arrivée jusqu’à moi !

Il voit dans ces médailles de mariage la survivance de l’ancienne coutume des treizains qui a perduré depuis le Moyen-âge et encore jusqu’au XIXe siècle dans certaines régions.

Il en présenta une importante collection lors de l’exposition universelle de 1900. Comme le précise le rapport de la classe 15 Monnaies et médailles, le Dictionnaire de Trévoux mentionnait en 1771 le treizain comme une monnoie qui valoit treize deniers. C’étoit la coutume autrefois de donner un treizain à la cérémonie des épousailles (…) Cela servoit pour représenter une espèce d’achat de femme, suivant l’ancienne coutume, non seulement des François mais aussi des Saxons, des Allemans et des Bourguignons.

D’après la coutume de Paris, mais aussi le Rituel de Reims ou dans le diocèse d’Autun, le fiancé offrait à sa promise, le jour des épousailles, treize pièces d’or ou d’argent dont le prêtre pouvait garder un nombre variable.

Le treizain aurait symbolisé Jésus et les douze apôtres. Balzac évoque aussi une coutume similaire dans son roman Eugénie Grandet, mais cette fois basée sur le douzain et respectée aussi bien dans les familles aisées que par la plus pauvre des bergères.

Eugénie Grandet sur Gallica

S’il s’agissait à l’origine de véritables pièces utilisées comme monnaie ordinaire, on créa rapidement des types spécialement dédiés au mariage et portant des devises populaires appropriées pour la circonstance : Denier pour épouser, Amour nous lie, Vivons en paix ensemble

Puis on en vint, au XIXe siècle, à la médaille commémorative comme celle de Georgette et de Maurice. Sur une de ses faces, elle porte une allégorie que le joaillier faisait choisir parmi quelques modèles -pour mes arrière-grands-parents un évêque bénissant deux époux agenouillés- et sur l’autre un monogramme constitué des deux initiales de leurs patronymes ainsi que la date de la noce. Sur la tranche est gravé en tout petit le mot argent.

Sur la médaille SL que j’ai chinée, l’avers représente les époux vaguement travestis à la romaine et agenouillés face à face. En revanche, il est surprenant de constater combien, à huit décennies d’écart, le décor du revers est similaire sur les deux pièces, avec le monogramme constitué des mêmes anglaises à plumets et cerné d’une couronne de roses quasiment identique.

Et vous, avez-vous conservé une médaille de mariage de vos ancêtres ?

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