Confrontée à un état civil très fragmentaire dans la capitale, j’ai longtemps été arrêtée sur Jean Marie Villemagne, un de mes ancêtres parisiens ; et un petit peu frustrée de ce blocage parce que la seule chose que je savais de lui avait de quoi me mettre l’eau à la bouche : en l’an VIII, à la naissance de sa fille Marceline, mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père (promis, je ne le ferai plus) exerçait la profession de rubanier.
Mais on me l’a donc fabriqué sur mesure, celui-là ! Pour moi qui suis une passionnée de tout ce qui touche à l’histoire du textile, me découvrir une filiation avec un passementier était une divine surprise.
Cependant je restais sur un goût de trop peu avec ce seul mot à me mettre sous la dent : d’où sors-tu, mon rubanier ? Et d’où te vient ce métier-là ?
Mais aucun problème n’existe qui n’ait de solution. Même la disparition quasi-totale de l’état civil parisien avant 1860 peut être contournée par des archives alternatives et j’ai déjà raconté ici comment les cartes de sûreté, instaurées dans la capitale pendant la Révolution, m’ont tirée de ce mauvais pas.
Les registres miraculeusement conservés de la section Popincourt m’ont offert un fil à dérouler depuis Paris jusqu’à la Loire en me révélant une information capitale : l’origine de Jean Marie. Et je me retrouve désormais avec tout une flopée de maîtres passementiers installés aux confins du Forez, entre Saint-Chamond et Saint-Héand.
Je pars donc en voyage, tout au long du XVIIIe siècle et plus avant jusqu’au XVIIe, à la rencontre d’une nouvelle contrée, d’un nouveau milieu, d’un nouveau métier… Des horizons inconnus s’ouvrant ainsi à moi, j’ai commencé par profiter d’un voyage vers l’Auvergne pour musarder et découvrir les paysages dans lesquels ont vécu tous ces gens s’invitant soudain dans ma généalogie.
J’ai aimé ce que j’ai vu de mon nouveau pays mais je voulais aussi en savoir un peu plus sur la vie menée par mes Villemagne. Alors j’ai fait halte à la maison du passementier, à Saint-Jean-Bonnefonds.
On devine, sur cette carte postale du début du XXe siècle, l’endroit où était situé un atelier de passementerie, dans la dernière maison de la rangée. À partir du XVIIIe siècle et jusqu’à la première guerre mondiale, les rubans français provenaient très majoritairement du pays stéphanois et c’est donc une activité qui a laissé une forte empreinte dans la région. Ainsi que l’indique Brigitte Reynaud Carrier, professeure d’histoire à l’université Jean Monnet de Saint-Étienne, cette activité se plaçait au même niveau que la mine ou la métallurgie et loin devant l’arme et le cycle.
Aujourd’hui, on visite dans cette petite maison un intérieur reconstitué qui donne à voir la vie quotidienne des habitants au travail et en famille. L’époque est certes plus tardive que pour mes ancêtres mais en plein dans celle qu’ont vécu leurs cousins restés au pays.
Dans l’atelier sont présentés deux impressionnants métiers jacquard. En raison de la mécanique qui les surmonte, ils ne pouvaient trouver leur place que dans des pièces aux plafonds très hauts. C’est ce qui explique la configuration si particulière des intérieurs de ces tisserands, qu’on retrouve également dans les ateliers des canuts à Lyon.
Justement, l’intérêt ici est qu’une mezzanine court autour de la pièce, permettant d’observer par le haut tous les détails des mécaniques. Et c’est vraiment magnifique, ces outils de travail monumentaux mais où le décor n’a pas été oublié ; ils sont ornés de détails très raffinés.
En redescendant à l’étage des métiers, on découvre également tout ce qui sert au travail du fil : de belles canetières, l’établi où le passementier faisait ses réparations, des paniers de bobines…
Une famille a vécu ici ; sommaire, malhabile et touchante comme toutes les autres, c’est ce que nous rappelle la marquette de la petite Joséphine au détour d’une pièce, comme un clin d’œil au cours de cette jolie visite.
La maison du passementier illustre le bel engagement d’une commune pour donner corps à son histoire et communiquer autour de son patrimoine. Ces initiatives sont multiples, ce qui est une aubaine pour nous qui aimons en savoir davantage sur le quotidien de nos gens. On découvre des merveilles en quittant l’autoroute et en voyageant lentement :-))
Les deux dernières années ont forcément rabattu mes envies de déplacement dans les salles de lecture un peu éloignées de moi mais je crois que ma prochaine visite sera pour les Archives départementales de la Loire à Saint-Étienne !
Merci à Geneatech, jamais à court d’idées fantaisistes et inspirantes, qui nous propose cette année de bloguer en suivant le Tour de France… et merci aux cyclistes de faire aujourd’hui étape à Saint-Étienne :-))
La semaine dernière, j’étais déjà dans leur roue pour évoquer ma généalogie suisse. Et pour revoir mon Tour de France 2021 sur le thème du vélo, c’est par ici.
20 commentaires sur “Ma généalogie dans la Loire”
nous ne sommes pas si loin que cela … quelques ancêtres du côté de Bouthéon, La fouillouse, Chevrières … ma grand-mère plutôt des Salles, Noirétable … un joli saut entre Paris et la Loire
violine
Presque stéphanoise, j’ai visité la Maison du Passementier à St-Jean-Bonnefonds, tu as aussi de la passementerie à la Valla-en-gier, Jonzieux, St-Paul-en-Jarez…
Belle semaine, bisous
Ho le métier Jacquard cela me rappelle l’une des premières recherche documentaire que j’ai effectuée pour des élèves 🙂 Belle découverte
Passionnant !! merci pour le partage de tes recherches et de tes pérégrinations, toujours passionnantes…
Belle journée, bises
Quelle nouvelle aventure passionnante.
Dès qu’on parle textile, la généalogie prend un nouveau tour 😉
Je me répète, je suis toujours impressionnée par vos recherches, vous êtes une passionnée et vous savez si bien transmettre !
Merci beaucoup.
Merci France 🙂
Quelle virée dans le temps et l’espace!! Je suis sûre que ton amie auvergnate t’aura emmenée au musée des métiers et traditions de St Jean des Olliergues , j’en garde un joli souvenir. Bon dimanche…
Non pas encore ! Il me semble qu’en dehors de juillet – août l’accès est difficile si on n’est pas en groupe ? Ce qui est très compréhensible pour ces musées peu fréquentés hors période estival… mais un peu pénalisant pour moi 😉
Je comprends ton bonheur de découvrir tes ancêtres du textile, toi, une passionnée de tout ça! Je n’ai pas encore trouvé ce genre de métier parmi mes gens mais qui sait….la recherche généalogique ne finit jamais! xx
Le textile était un gros secteur d’emploi, tu vas trouver ! J’ai mon compte de couturières et de lingères, mais j’avoue que quand je suis tombée sur ma mercière et maintenant ces passementiers… Oui, ça m’a particulièrement réjouie 🙂
lorsque l’on découvre qu’un de nos ancêtres a exercé un métier qui mérite intérêt on a envie de se rendre sur les lieux où il habitait . Vous allez trouver plein d’informations aux archives départementales de la Loire …..
Oui, j’espère, et il parait qu’il y a un très beau fonds sur les professions du textile aux archives municipales de Saint-Étienne, aussi.
Pas plus étonnée que ça de découvrir des origines autour du fil ?
Bon sang ne peut mentir..
Passionnant com d’hab!
Merci Pat, on se prend à espérer que nos ancêtres ont toutes et tous laissé une petite trace en en nous 😉
Des Villemagne dans la Loire, j’en ai quelques uns.
Des ancêtres rubaniers, laceteurs, devideuses et autres metiers autour du textile, aussi.
Il n’y a qu’un pas pour que ton arbre et le mien croisent leurs branches.
J’ai fréquenté les AD42 il y plus de 20 ans, j’y retournerai bien.
Je me demande si je ne vais pas m’y arrêter en septembre sur le chemin de l’Auvergne. Je suis allée voir ton arbre mais rien ne m’est apparu d’évident au premier regard. Ceci dit, j’ai gardé le lien, car j’ai encore peu étudié cette branche, sait-on jamais ?
héhé, moi aussi je me suis découvert des ancêtres passementiers par l’un de mes Acadiens, à St Etienne et Lyon, mais ça remonte encore plus puisqu’il est parti vers 1710. Pas de metier Jacquard donc pour les miens… Mais comme toi j’avais été ravie de la découverte
Il faut dire que le textile, c’était une grosse réserve d’emplois. Mais on est toujours contente quand on peut y sauter à pieds joints 😉