Jour 4 : un ancêtre au travail

#Genealogie7Photos
Sophie Boudarel nous propose de raconter notre histoire familiale en photos, pendant une semaine, avec un thème différent chaque jour. Voir toutes les photos du défi

Mes ancêtres ont passé leur vie à trimer et curieusement, j’ai peu de photos d’eux au travail. Curieusement… vraiment ? Car en y réfléchissant bien, alors que nous mitraillons aujourd’hui à tout bout de champ, prenons-nous tant de photographies que ça dans notre cadre de travail ?

Je n’en ai pas de ma mère à l’atelier de couture de Mademoiselle Provignon, je n’en ai pas de mon père à l’usine d’oxycoupage où il a passé toute sa carrière. Et les seules qui resteront de moi en situation professionnelle correspondent à une période tout à fait particulière où une construction à laquelle je collaborais était suivie par un photographe pour la réalisation d’un livre.

Bref, il semble que le travail n’ait pas la cote et que nous préférions le cadre personnel pour mettre en scène les images que nous laisserons à la postérité. Et bien sûr, ça ne s’arrange pas en remontant les générations et en arrivant à la période où l’usage de l’appareil photo était loin d’être entré dans la vie de tous les jours.

C’est pourquoi je suis finalement bien contente d’avoir cette photographie de mon grand-père Eugène au moment de la reconstruction, juste après la première guerre mondiale.

Il revenait d’un enfer qui avait duré cinq ans, probablement comme tous ses compagnons sur cette image. Parti au premier jour, fait prisonnier presque aussitôt puis libéré comme personnel sanitaire au bout d’un an, il avait passé la suite de la guerre à brancarder des blessés, des morts, allant récupérer sous le feu de la mitraille tout ce qui ressemblait tant soit peu à un humain. Jusqu’au dernier jour.

Et il rentrait au village pour trouver ça…

Pas vraiment une surprise dans ce département de la Marne qui avait été le lieu de passage de toutes les armées, ni dans ce village aux confins de l’Aisne situé à peine à une quinzaine de kilomètres du Chemin des Dames. Mais un déchirement, tout de même, de constater de ses yeux l’état de la maison qui abritait sa famille avant la guerre.

Il fallait parer au plus urgent qui était de redonner un chez-eux aux enfants, et pas le temps d’attendre les aides de la reconstruction qui ne viendraient que deux ans plus tard : il allait récupérer un de ces baraquements provisoires en tôle abandonnés sur le terrain et construire sa maison de bois à partir de là… Une maison cachée au milieu des roses que j’ai connue encore dans les années soixante-dix.

Mais je n’ai pas davantage de détails sur la photo des vaillants reconstructeurs. Pour qui travaillaient-ils ce jour-là ? À quelle date exactement a-t-elle été prise ? La légende portée au verso me dit juste que c’est papa à la reconstruction. Je confirme que même si on parle beaucoup, on n’en demande jamais assez quand c’est encore possible.

Simplement l’image me donne à penser qu’une certaine solidarité s’était tissée entre les gens du village et que peut-être, ils travaillaient collectivement sur les maisons des uns et des autres. Mon grand-père est debout au milieu de l’équipe mais je ne sais rien du reste de la bande.

Ce que j’aime sur cette photo prise en contre-plongée, c’est que mon grand-père, plutôt petit, mince et d’une douceur jamais prise en défaut, y apparait comme un géant, solide et déterminé. Et c’est ce qu’il était, en réalité, un véritable géant.

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