En 1932, quand mes grands-parents se marient, ils sont tout jeunes. Jeannette a vingt-et-un ans depuis trois mois et travaille comme couturière ; Roland va bientôt avoir vingt ans et il est comptable. Ils ne le savent pas encore mais ils se trouvent seulement au début de leurs rocambolesques aventures conjugales. Deux époux pour Jeanne (qui atterriront l’un et l’autre à La Santé, oui, même mon grand-père !), trois épouses pour Roland… le moins qu’on puisse dire, c’est que leur vie sentimentale ne fut pas un long fleuve tranquille.
La dernière femme de notre grand-père fut pour nous une Mamie Pâquerette. C’est le seul prénom que je lui ai toujours connu et il a fallu que je m’intéresse à la généalogie pour découvrir, au détour de son acte de naissance, qu’elle s’appelait plus prosaïquement… Andrée ;-))
Elle épouse mon grand-père Roland moins de deux ans avant ma naissance. Ils n’auront même pas trois années à vivre ensemble avant qu’il ne disparaisse.
Mais pour le moment, même si aucun des deux n’en est à sa première expérience, les temps sont à célébrer l’évènement. Au lendemain de leur mariage, les nouveaux époux partent en voyage de noces en Autriche.
Puisqu’ils ont l’occasion de jouer les touristes, ils font comme tous les touristes et ramènent du Tyrol des souvenirs de pacotille pour la famille. C’est ainsi que la danseuse de Kitzbühel revient dans leurs bagages pour venir jouer sa ritournelle à Paris, chez la mère et les sœurs de Roland.
Elle nous fascinait tellement quand nous étions petits que nos grands-tantes l’ont volontiers confiée à mes parents. Chez nous, cette danseuse un peu kitsch était protégée derrière la vitre de la bibliothèque, avec interdiction aux enfants d’y porter la main. On avait si souvent argué de sa fragilité que n’aurions jamais osé transgresser cet interdit-là. Parfois, quand nous avions bien supplié, Maman la sortait, remontait le mécanisme et la faisait jouer, avec tout le cérémonial requis par l’évènement.
La danseuse autrichienne virevoltait un court moment sur quelques notes charmantes et aigrelettes, devant nos yeux fascinés qui avaient pourtant déjà tant de fois assisté au miracle. Puis elle s’épuisait, comme sur le point de défaillir ; mais nous retenions notre souffle et ne perdions pas une seconde de cette lente agonie, sachant déjà qu’il était inutile de réclamer un second tour..
Quand j’y repense, je me dis que ma mère devait bien se marrer à nous embrouiller ainsi, en nous mettant à l’école du plaisir et de la frustration. Mais à une époque où nous n’étions pas environnés comme aujourd’hui de mille gadgets, il ne fallait pas perdre une si bonne occasion de créer de l’exceptionnel avec trois fois rien, pour des loupiots facilement émerveillés.
Cette broutille pour touristes, rapportée de leur voyage de noces par mes grands-parents en 1956, trône désormais derrière la vitre de MA bibliothèque ; je pourrais faire danser la petite autrichienne à ma guise… mais c’est à mon tour de la ménager, car je crains de l’user ;-))
Parfois, cependant, dans d’exceptionnels moments, quand je ne parviens plus à résister à des petits yeux suppliants… Oh ! S’il te plaît ! S’il te plaît ! Fais-là jouer !
27 commentaires sur “D comme… la Danseuse autrichienne”
Bonjour Sylvaine
Pour toi, c’était la danseuse autrichienne, et pour nous c’était la danseuse avec son tutu, dans un bouteille de liqueur d’or, qu’un représentant avait offert à mes parents. On remontait le mécanisme et l’on regardait la petite danseuse qui tournait au son de la musique. Que d’émerveillement !!!! Encore un autre souvenir très joyeux. Merci. Bonne fin de journée. Gros bisous.
Mais oui ! Ces mécanismes dérisoires ont allumé tant d’étoiles dans les yeux des enfants…
Je crois bien, ma chère Sylvaine, qu’on a tous (notre génération en tout cas) vécu ce que tu décris avec ta petite danseuse…..chez moi c’était même pire car le train electrique des jeunes années de mon père que ma soeur et moi (pas de frère chez nous) voulions tant voir marcher, ne sortait jamais de sa boîte en bois, bien calfeutré dans l’atelier de mon père à la cave, et ce, à notre grand regret. On renouvellait notre demande toutes les x années mais en vain….
Et bien figures toi que la semaine dernière, après avoir finalement ramené une toute petite partie du train chez moi en juillet dernier, je lui ai finalement donné la place qu’il mérite, aussi derrière la vitrine de ma bibliothèque de bureau et là, je peux au moins l’admirer à ma guise faute de le voir fonctionner. Mon fils (un grand fan de train quand il était tout petit) en héritera sans doute et j’ose espérer qu’il ne fera pas le même coup que mes parents si il a des enfants un jour….
Oh ! J’ai vu la photo ! Génial !
il me semble qu’il y avait une boite à musique chez mes grands-parents !!! disparue ou perdue lors des divers déménagements sans doute…
violine
Il y a tant d’objets qui nous reviennent par flash, et dont on se demande où ils sont passés…
Mes parents avaient rapporté de Suisse un coucou… malheureusement, il n’a pas résisté à leurs différents déménagements… dommage, je l’aurais volontiers accueilli chez moi…
Belle journée, bises.
Il y avait aussi un coucou chez mes parents… auquel j’ai renoncé parce qu’il fallait bien être sélective. Mais j’ai au moins le plaisir de savoir qu’il a trouvé place dans une maison amie.
Mon père collectionnait les boîtes à musique . j’en ai une que j’aime beaucoup dans une bibliothèque et j’avoue que de temps en temps je tourne la petite clé … Un peu enfantin mais cela fait plaisir .
Les boîtes à musique sont aussi conçues pour faire rêver les grands !
Un objet qui a eu une vie et une âme et qui vous fait encore rêver. C’est fabuleux.
On a beau connaître la petite danse par coeur, c’est un plaisir toujours nouveau !
Quel bel objet autrichien avec une vraie histoire derrière !
Merci Sylvaine de nous faire partager tes souvenirs et l’histoire de ta famille.
Tes illustrations sont toujours au top, bravo.
Merci Romain 😉 Les objets c’est facile à photographier, ça ne bouge pas !
Merci de cette jolie histoire qui m’en rappelle une aussi de mon enfance.
Entre Nantes et l’Alsace nous ne faisions pas le voyage tous les ans mais notre petit plaisir c’était le coucou , horloge avec décor de pomme de pin, peut être de la Forêt Noire ?
Et mon grand-père faisait avancer les heures en tournant les aiguilles pour qu’on voit le coucou chanter et rechanter…
Juste à dire aussi que ce grand-père parlait aussi peu le français que nous (sauf Papa) l’alsacien!!
Ah mais quelle que soit la langue, les grands-pères comprennent les petits assez pour savoir qu’il faut avancer les aiguilles et faire chanter le coucou !
Merci de l’avoir fait jouer pour nous !
C’est un peu égoïste, je dois dire, comme ça moi aussi je peux la regarder tant que je veux 😉
Nous pouvons la regarder tant que nous voulons, et sans craindre de l’user… magie de l’informatique.
Je ne sais pas si ces boites à musique sont encore dans les magasins de souvenirs de nos jours…Maman collectionnait ces boites à musique de pacotille , trés kitsch … nous n’ avons pu nous résoudre à nous en séparer , elles attendent des jours meilleurs au grenier ! mais qu’ est ce que j’ aime entendre leurs ritournelles !
J’avais acheté un mécanisme, que j’ai toujours d’ailleurs, à ce petit magasin qu’il y avait au bout des jardins du Palais-Royal et qui ne vendait que ça. Il y avait des choses étonnantes, je ne sais pas s’il existe toujours, depuis le temps…
Ah non, c’est fermé apparemment, depuis un bout de temps 🙁 Et en regardant sur Google Maps, j’ai l’impression que le Passage du Perron n’est même plus accessible…
Elle virevolte longtemps cette petite danseuse malgré son âge 😉 Magnifique souvenir à conserver précieusement 🥰
En fait elle met plus longtemps à s’épuiser qu’à danser en pleine forme, mais on n’en décollait pas tant que ce n’était pas fini 😉
Oui, quelle magie autrefois dans de toutes petites choses! Comme nous savions nous émerveiller.
Je trouve triste que pour la plupart des enfants (occidentaux du moins) d’aujourd’hui, il faille « toujours plus » pour apporter un peu de plaisir…
(je me sens vieille bique tout coup à dire ça %-[… mais je le pense tellement!)
Oui mais les vieux nous faisaient déjà ce coup-là avec leur orange 🙂 Je suis quasiment sure que les enfants d’aujourd’hui auront eux aussi des souvenirs merveilleux et plaindront les suivants de ne pas connaître les mêmes.
Je suis d’accord ! Les souvenirs sont enjolivés par les émotions, même si ce sont de toutes petites choses, ils apparaissent merveilleux.