D comme… la Danseuse autrichienne

Aujourd’hui à la une

En 1932, quand mes grands-parents se marient, ils sont tout jeunes. Jeannette a vingt-et-un ans depuis trois mois et travaille comme couturière ; Roland va bientôt avoir vingt ans et il est comptable. Ils ne le savent pas encore mais ils se trouvent seulement au début de leurs rocambolesques aventures conjugales. Deux époux pour Jeanne (qui atterriront l’un et l’autre à La Santé, oui, même mon grand-père !), trois épouses pour Roland… le moins qu’on puisse dire, c’est que leur vie sentimentale ne fut pas un long fleuve tranquille.

La dernière femme de notre grand-père fut pour nous une Mamie Pâquerette. C’est le seul prénom que je lui ai toujours connu et il a fallu que je m’intéresse à la généalogie pour découvrir, au détour de son acte de naissance, qu’elle s’appelait plus prosaïquement… Andrée ;-))

Pâquerette en 1956 avec Roland et en 1958 avec sa petite-fille

Elle épouse mon grand-père Roland moins de deux ans avant ma naissance. Ils n’auront même pas trois années à vivre ensemble avant qu’il ne disparaisse.

Mais pour le moment, même si aucun des deux n’en est à sa première expérience, les temps sont à célébrer l’évènement. Au lendemain de leur mariage, les nouveaux époux partent en voyage de noces en Autriche.

Puisqu’ils ont l’occasion de jouer les touristes, ils font comme tous les touristes et ramènent du Tyrol des souvenirs de pacotille pour la famille. C’est ainsi que la danseuse de Kitzbühel revient dans leurs bagages pour venir jouer sa ritournelle à Paris, chez la mère et les sœurs de Roland.

danseuse autrichienne

Elle nous fascinait tellement quand nous étions petits que nos grands-tantes l’ont volontiers confiée à mes parents. Chez nous, cette danseuse un peu kitsch était protégée derrière la vitre de la bibliothèque, avec interdiction aux enfants d’y porter la main. On avait si souvent argué de sa fragilité que n’aurions jamais osé transgresser cet interdit-là. Parfois, quand nous avions bien supplié, Maman la sortait, remontait le mécanisme et la faisait jouer, avec tout le cérémonial requis par l’évènement.

La danseuse autrichienne virevoltait un court moment sur quelques notes charmantes et aigrelettes, devant nos yeux fascinés qui avaient pourtant déjà tant de fois assisté au miracle. Puis elle s’épuisait, comme sur le point de défaillir ; mais nous retenions notre souffle et ne perdions pas une seconde de cette lente agonie, sachant déjà qu’il était inutile de réclamer un second tour..

Quand j’y repense, je me dis que ma mère devait bien se marrer à nous embrouiller ainsi, en nous mettant à l’école du plaisir et de la frustration. Mais à une époque où nous n’étions pas environnés comme aujourd’hui de mille gadgets, il ne fallait pas perdre une si bonne occasion de créer de l’exceptionnel avec trois fois rien, pour des loupiots facilement émerveillés.

Cette broutille pour touristes, rapportée de leur voyage de noces par mes grands-parents en 1956, trône désormais derrière la vitre de MA bibliothèque ; je pourrais faire danser la petite autrichienne à ma guise… mais c’est à mon tour de la ménager, car je crains de l’user ;-))

Parfois, cependant, dans d’exceptionnels moments, quand je ne parviens plus à résister à des petits yeux suppliants… Oh ! S’il te plaît ! S’il te plaît ! Fais-là jouer !

Tous les articles du ChallengeAZ 2022

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

27 commentaires sur “D comme… la Danseuse autrichienne”