Plonger dans le passé sans juger nos ancêtres à l’aune de notre contexte contemporain et mieux, ne pas les juger du tout quelles que soient les circonstances, c’est ce que nous apprend au quotidien la pratique de la généalogie. Mais cette fois-ci, je suis trouvée confrontée à un problème de taille : faire mes recherches dans une société où l’esclavage est un mode de fonctionnement qui sous-tend toute l’économie du pays.
Comment comprendre sans admettre ? Comment ne pas juger sans excuser ? Et difficulté supplémentaire pour moi qui ne joue pas à domicile : comment évoquer le contexte de la société esclavagiste dans laquelle ont vécu mes gens sans y amener un arrogant regard d’étrangère, non concernée par une affaire encore si sensible deux siècles après ?
Puis je me suis rappelée que, même si notre société n’en est pas imprégnée aujourd’hui de la même manière, la France avait elle aussi bien prospéré sur le commerce triangulaire ; que nos filateurs n’ont jamais été regardants sur les conditions de la production de ce coton qui nourrissaient leur industrie à des prix tellement avantageux. Pas concernée, vraiment, par une société qui prospéra en son temps sur l’asservissement humain organisé et ne se pose toujours pas plus de questions sur les conditions dans lesquelles sont produits aujourd’hui ses biens de consommation courants ?
Et finalement, j’ai découvert que mes vertueux protestants français, que je pensais protégés à la fois par leur religion et leur modestie, n’étaient peut-être pas si innocents que ça. Pas concernée, vraiment, jusque dans les branches de mon arbre ?
Bien que je ne voie pas comment me saisir du sujet, je ne pouvais tout simplement pas aller au bout de mon challenge en occultant l’esclavage et la ségrégation, qui ont été mon premier choc en commençant mes recherches en Louisiane. Bien sûr que je le savais ; intellectuellement au moins. Mais s’y trouver confrontée dans le quotidien de mes recherches à chaque détour des archives, c’est autre chose.
J’ai failli contourner l’obstacle. Mon S comme… était déjà écrit sur un tout autre sujet. J’ai attendu le dernier moment pour décider de ne pas me défiler, tout reprendre et repartir de zéro.
Je n’ai pas l’intention de théoriser plus avant sur le sujet ; je ferai simplement un relevé de quelques éléments trouvés au cours de mes farfouillages dans la presse et dans les archives, qui ont fait que le sujet est devenu terriblement concret pour moi.
For sale
Une des premières réalités de l’esclavage rencontrée en lisant les journaux, ce sont les ventes d’êtres humains. Le commerce transatlantique des esclaves est interdit aux États-Unis depuis 1808. Par conséquent, la traite intérieure s’est fortement développée, prospérant notamment sur les naissances dans les familles asservies.
La Nouvelle-Orléans était la place la plus importante pour le commerce des personnes réduites en esclavage ; il se pratiquait dans de nombreux endroits de la ville, la presse en est donc forcément le reflet. Les journaux locaux publient même des annonces pour des propriétés mises en vente à plus de quatre-cents kilomètres au nord, dans le Mississippi.
100 nègres et des terres, à Camden, Madison County, Miss. Le 1er janvier 1850. Seront vendus cent nègres de qualité, la plupart en famille. Également une plantation près de Camden, de 2600 acres, dont environ 1000 acres sont en culture et ont été défrichés ces cinq dernières années (…) Également un stock de mules de qualité comme toutes celles qu’on trouve dans l’État, avec du bétail, des porcs, des provisions, etc. Parmi les nègres, il y a un excellent charpentier et un forgeron, ainsi qu’un conducteur expérimenté et fiable. On souhaite vendre la propriété d’un seul tenant, sur une période longue (maximum sept ans), mais en cas d’impossibilité, les nègres seront vendus en groupes ou en familles, séparément de la terre, des mules, etc. soit au comptant, soit à crédit.
Un stock important et bien sélectionné de nègres de Virginie et du Maryland a été reçu ce jour, comprenant toutes les catégories de domestiques, ainsi que des ouvriers agricoles valides. L’établissement sera bien approvisionné en provenance des États précités pendant la saison, grâce à la réception constante de lots importants.
Ce ne sont que deux exemples que je pourrais multiplier, la presse se faisant régulièrement l’écho de ces transactions. La ville ne manquait pas de marchands d’esclaves si l’on se réfère à l’annuaire de 1859, par exemple.
Reward
Quoi que l’on espère trouver dans la presse pour la période d’avant-guerre, il est également impossible de ne pas tomber sur les avis de recherche de personnes réduites en esclavage et ayant fui un propriétaire qui, comme il tient absolument à récupérer son bien, promet une récompense à qui le lui ramènera.
Ainsi Betsy, âgée d’environ 35 ans, taille moyenne, nez long, œil vif, front haut, à qui il ne reste qu’une dent. Elle répond volontiers à qui lui parle. On promet cent dollars de récompense pour sa capture ou un renseignement pouvant y conduire mais ce sera pour la revendre bien rapidement avec ses trois enfants.
Ou Jane, pour qui on annonce une récompense de vingt-cinq dollars si elle est remise chez le propriétaire ou dans une des prisons de la ville. Griffonne d’environ trente ans, plus grande que la moyenne, bien faite et port altier, renfrognée mais voix agréable et parle très bien l’anglais.
Et Travis, 36 ans, et Julia, 40 ans, et Emily, 24 ans, et John, 30 ans… toutes et tous ayant subi un récent changement de propriétaire. Dans l’annonce, on indique à chaque fois leur précédent lieu de détention, car on soupçonne bien que leur projet est d’y retourner pour retrouver les membres de leur famille à laquelle on vient de les arracher.
Il y en a tant, tous les jours, et derrière chaque annonce on devine une tragédie. Les estimations peuvent varier, mais on considère qu’un million de personnes, le plus souvent des jeunes gens à l’apogée de leur force de travail, ont été déplacées de force à l’occasion de ventes ou de partages successoraux.
Lost friends
Dans la presse toujours, mais cette fois-ci après la guerre civile et jusque dans les débuts du XXe siècle, on trouve la conséquence directe de ces arrachements familiaux. Désormais, la rubrique des recherches contient les appels de nombreux Américains nés en esclavage avant son abolition et qui persistent dans la volonté de retrouver leur famille éparpillée par les migrations forcées.
En 1879, Caroline Rodes : je suis née et j’ai été élevée en Virginie mais j’étais trop petite pour me rappeler le nom du Comté, seulement que je vivais à douze miles d’une ville appelée Danville. Mon maître était James Ferill, et ma maîtresse Martha Ferrill. J’ai été vendue à son frère, un spéculateur se nommant Wm Ferrill, et j’ai été emmenée à Mobile à l’âge de dix ans. Je me souviens que mon père s’appelait Joseph et ma mère Milly, mon frère Antony et ma sœur Martha(…) Mon nom était Annie Ferrill mais mes propriétaires l’ont changé pour Caroline Rodes.
En 1885 Augusta Nation cherche des nouvelles de ses enfants. Son maître était James Henry Nation, ses enfants étaient Henry et Caroline Nation, nés à Gonzales dans le Mississippi.
En 1882, William Walton cherche trois frères, une sœur et sa mère, vendus sans lui il y a vingt-six ans et dont il n’a plus de nouvelles depuis. Ils ont été vendus par John White, dans la cour de son commerce, à New Orleans.
Et tous les autres… Ils sont tant à espérer… Je crains malheureusement que peu de miracles se soient réellement produits.
George esclavagiste ?
À vrai dire, je ne m’étais pas tellement posé la question du rapport de mes Louisianais à l’esclavage. Je les pensais hors du coup autant par leurs croyances religieuses que par leur condition modeste.
Il est probable que je me trompais sur les deux points.
Côté religion, il faut bien dire que les églises ont souvent eu des positions d’autant plus vertueuses qu’elles se trouvaient loin du système de l’esclavage et donc moins susceptibles d’en profiter. L’église presbytérienne aux États-Unis adopte une position abolitionniste modérée mais pas encore assez pour ses coreligionnaires du sud, résolument pour le statu quo. Il y aura donc scission en 1858 et deux ans plus tard, s’adressant à La Nouvelle-Orléans aux fidèles de la première église presbytérienne à l’occasion de Thanksgiving, le pasteur Palmer prêche sans complexe pour conserver et perpétuer l’institution de l’esclavage intérieur telle qu’elle existe actuellement.
Sur le second point, la structure de l’esclavage urbain à La Nouvelle-Orléans est assez différente de celle qu’on rencontre en milieu rural. Les usages ne sont évidemment pas les mêmes dans la mesure où le souci des maîtres n’est pas de faire cultiver des plantations conséquentes mais principalement de pourvoir aux tâches domestiques. Dans ce contexte, la majorité d’entre eux sont de petits propriétaires qui ne possèdent qu’un ou deux esclaves.
Le garde-fou de la religion qui tombe, ainsi que celui de la fortune… Peut-être est-ce donc bien mon George Lombard qui apparait sur cette liste des propriétaires d’esclaves, établie en même temps que le recensement général de 1850.
Certes je ne dispose pas de beaucoup d’éléments pour rapprocher celui-là du mien, seulement un prénom partiel et un nom puisque les adresses ne figurent pas sur les recensements en 1850. Mais une quasi certitude naît de similitudes troublantes.
Car Geo(rge) Lombard a été porté sur le recensement général et sur la liste des propriétaires d’esclaves par le même recenseur, l’assistant du marshal Louis Chauchon, et probablement le même jour. Le recensement général est à la date du 4 septembre et la liste des propriétaires porte en en-tête celle du 3. Mais la feuille suivante étant au 5 septembre, je suppose que le recenseur est passé d’un jour à l’autre en milieu de feuille, sans pouvoir y porter le changement de date puisque les lignes numérotées ne lui laissaient pas l’espace nécessaire.
Tout ça et puis le fait que je ne trouve pas d’autre George Lombard au recensement général, ça finit par faire beaucoup d’indices concordants et, vu le sujet, je le dis sans plaisir.
George Lombard est donc propriétaire d’une femme de quarante-cinq ans qu’on ne prend pas la peine de nommer ne serait-ce que par un prénom, et de deux fillettes de deux et cinq ans pareillement anonymes, peut-être les enfants ou les petits-enfants de la précédente.
Ça me désole mais plusieurs semaines après l’avoir découverte, je ne sais toujours pas quoi faire de cette information :-((
Vers l’article suivant T comme Théâtre Faranta
Pour aller plus loin
Richard CAMPANELLA. On the structural basis of social memory, cityscapes ot the New Orleans slave trade
Part I and Part II
P.R. LOCHART, avec l’historien Edward E. BAPTIST. How slavery became America’s first big business
The Historic New Orleans Collection Exposition virtuelle Purchased lives
Geneviève PICHÉ. Du baptême à la tombe, le monde des esclaves urbains dans la paroisse de La Nouvelle-Orléans
30 commentaires sur “S comme Slavery”
Comme tu dis, comment faire avec cette information ?? j’avoue que j’ai lu ton texte le cœur serré, comment ne pas penser à toutes ces familles, tous ces gens arrachés les uns aux autres, à qui on déniait même le statut d’être humain…
Si seulement la tolérance et l’ouverture d’esprit avaient fait des progrès depuis…
Belle soirée, bises
Je pense que nos sociétés ont progressé sur beaucoup de points, oui, même s’il reste encore un sacré chemin à faire.
La réalité de l’esclavage vue sous l’angle de la généalogie, dans toute sa brutalité. Bravo pour cet article qui traite avec délicatesse d’un sujet aussi difficile. Je pense que je serais chamboulée aussi après une telle découverte.
Franchement… j’ai trouvé ça presque intéressant tellement ça correspondait au contexte. Ça m’a obligée à me saisir du sujet, au moins.
La majorité des Américains étaient et sont toujours Protestants, bien qu’en Louisiane il y avait beaucoup de Catholiques. La religion n’a pas grand chose à voir avec l’esclavage bien que les Eglises protestantes dans le Nord étaient souvent du coté des abolitionnistes avant 1861: It’s the economy, stupid!!! Comme disait James Carville, stratégiste de Bill Clinton en 1992. Et l’esclavage est toujours de mode dans le monde moderne malheureusement: ce week-end j’ai lu un article sur des travailleurs Vietnamiens esclaves des chinois dans leurs fabriques de pneus en Serbie. Vous avez bien raison de dire qu’il ne faut pas juger mais qu’en même temps cela peut servir à nous remettre personnellement en question et à analyser notre propre comportement.
Oui, c’est pourquoi je parle de nos biens de consommation courants. Nous serions probablement bien inspirées de nous demander combien d’heures de travail de personnes réduites en esclavage il y a dans notre sacro-saint téléphone portable.
Sujet sensible s’il en est… Je comprends ta difficulté !
Heureusement je n’ai pas trouvé ça au début, ça m’aurait peut-être dissuadée de m’intéresser à eux. Mais là j’avais déjà eu le temps de bien les connaître, tout…
IL n’est jamais facile de découvrir ce genre d’information et je comprends que vous soyez attristée. Dans le doute pensons que ces esclaves étaient bien traitées .
C’est vrai, j’essaie de ne pas trop m’interroger au cas particulier étant donné que je n’aurai jamais de réponse. C’est plutôt l’adhésion au système qui m’interpelle.
c’est une autre culture que pour nous. Nous avons du mal à l’accepter mais c’était ainsi. Ton Georges vivant en Louisiane a surement « comme tout le monde ». Apparemment il a eu qu’une esclave mais peut-être, charité oblige, l’a-t-il traité aussi bien que s’il avait eu une domestique en France. Ah les surprises, nous voudrions tous avoir des bonnes mais de temps en temps nous tombons sur celles qui nous plaisent moins (lol)
violine
Des découvertes pas super agréables, j’en fait un peu dans toutes mes branches. Ah ! C’est sûr, je ne fait pas de la généalogie au pays des bisounours 🙂
Bravo pour cet article écrit avec délicatesse sur ce sujet pour le moins délicat.
Mois aussi j’ai croisé lors de recherches en Louisiane de lointains cousins possédant des esclaves et j’ai même trouvé une touchante photo de cette famille d’esclaves.
Les images nous parlent tellement !
Bonjour Sylvaine
L’esclavage, je ne le juge pas. Il y a eu des bons maîtres et d’autres ignobles. Ton ancêtre a peut être eu des esclaves, comme trouvé sur le recensement. Elles étaient peut être bien traitées. Les circonstances qui ont fait qu’il avait des esclaves ne sont pas données . On peut tout imaginé. Peut être trouveras tu une réponse ou pas !!!! Merci de cette suite. J’ai lu avec intérêt le commentaire de Florence. On ne peut pas juger, si on n’a pas les bonnes informations et encore, nous n’étions pas à leur place. Bon Lundi tout gris et froid. Gros bisous et à demain pour la suite.
Je ne juge pas -j’essaie de ne pas juger- mais en plus on est ici dans un cas où il aurait suffit de payer une employée ou bien de faire le boulot soi-même, on n’est même pas dans le cas de la survie d’une entreprise (ce qui n’est d’ailleurs même pas une justification en soi à l’abomination).
Mais je trouve effrayant de me dire qu’à la même époque, dans le même contexte, j’aurais sans doute trouvé normal de me comporter comme lui. C’est certainement la raison majeure de mon malaise, je crois. Pour moi, un des aspects les plus salutaires de la généalogie, c’est justement de me pousser à m’interroger aussi sur ma vie aujourd’hui.
Parmi mes ancêtres il y en a quelques uns qui ont peut-être fait arraché ces Africains à leurs famille, et les ont transportés de l’autre côté de l’océan. Je le sais depuis toujours sans avoir encore eu le temps de creuser plus avant.
Personnellement j’essaie de ne pas mettre trop d’affect dans ma généalogie, et de m’en tenir aux faits, mais il y a des sujets pour lesquels c’est carrément plus dur, et des personnes auxquelles on s’attache comme d’autres auxquelles on en veut.
Dans ce genre de cas j’essaie de me dire qu’on n’est pas responsable de ses ancêtres.
Je suis tout à fait d’accord avec toi, d’ailleurs ma généalogie familiale n’est presque qu’un prétexte à faire des recherches et, sauf pour les générations que j’ai connues bien sûr, je ne m’implique affectivement pas davantage quand il s’agit de ma « famille » (au-delà de deux à trois générations, je trouve que cette notion est une pure construction de l’esprit) que lorsque je travaille sur mes petites brodeuses, par exemple. Pour moi il n’y a pas plus lieu d’avoir honte des actes de ses ancêtres… que d’en être fière dans le cas inverse.
Quoi qu’il en soit, il y a certains sujet sur lesquels j’ai du mal à poser un regard neutre en me réfugiant derrière le contexte de l’époque. Mais surtout, ces recherches me poussent à me remettre en question et à me poser des questions sur moi-même et sur le regard que les générations du futur auront sur ce que je trouve admissible aujourd’hui. Lesquelles de nos pratiques actuelles nous feront passer pour des barbares à leurs yeux ?
Il y en aura tres surement 😉 deja tu n’as qu’a voir ce que pense d’une maniere generale la generation millenial .
Cette évocation de l’esclavage est doublement intéressante avec les informations du commentaire de Florence. Merci à toutes les deux.
Merci Monique! Je n’ai pu résister à insérer un petit aperçu de mes recherches personnelles qui, d’ailleurs, demandent à être creusées. La plantation est restée dans la famille Claudet de générations en générations et j’ai pris contact avec les Claudets, propriétaires actuels (la plantation est un Bed & Breakfast) mais, malgré un premier échange cordial, ils sont restés très distants. Dommage car un des frères aînés a soi-disant fait d’énormes recherches sur la plantation mais n’a pas voulu les partager avec moi…..bien dommage. Ont-ils peur du regard d’une étrangère à la famille? Je les relancerais peut-être un jour…
Je pense contacter notamment les actuels propriétaires des maisons dans lesquelles mes gens ont vécu en Louisiane mais effectivement, je me demande comment ce genre de démarche peut être accueillie par des personnes qui sont complètement en dehors de notre marotte… il faut le dire un peu particulière ! Je dois encore refléchir à la forme.
Faire de la généalogie, c’est, tôt ou tard, être confronté à des “surprises”. Surprises qui nous édifient et nous font chaud au coeur souvent, mais aussi surprises de tragédies, de souffrance, de misère et autres calamités humaines.
Comme toi, j’ai été mise devant la réalité de l’esclavage en février de cette année avec ma découverte, totalement par hasard, d’un planteur de canne à sucre de Louisiane qui s’est avéré être un arrière-arrière petit fils de mes ancêtres directs à la 10ème génération, c’est-à-dire mon lointain cousin.
Embarqué pour le Nouveau Monde en 1848 à destination de New York, il devient propriétaire de la plantation Bouverans en 1860, et la nomme du nom de sa commune natale du Doubs. Elle sera, selon les sources, la meilleure production de cannes à sucre de la paroisse entre 1871 et 1872 (6-7 ans après l’abolition de l’esclavage aux US).
Lors de mon voyage en Louisiane (malheureusement avant cette découverte), j’ai pu visiter la plantation Whitney, une des seules de la région qui se positionnent du point de vue de l’esclave et non du propriétaire. L’exploitation de la canne à sucre pour les esclaves était bien plus redoutable que le coton à ce que le guide nous a dit.
Grâce à l’extraordinaire outil qu’est Familysearch, j’ai eu la “chance” de trouver des documents ayant trait à cette plantation dont ces feuilles de recensements que tu as inclut ici. Joseph Claudet était propriétaire de 10 esclaves en 1860 et je ne sais pas si tu as vu certaines feuilles qui font état de leur statut de “fugitif de l’état”, c’est-à-dire qui se sont enfuis de la plantation et qui n’ont pas été capturés pour être remis à leur propriétaire. Mon planteur a eu, d’après le recensement, 3 fugitifs sur les 10 qu’il “possèdait”.
J’ai pu trouver un recensement du Bureau des Affranchis, établi après l’abolition pour aider les anciens esclaves et qui sort de l’anonymat 3 esclaves de la plantation de Joseph Claudet puisque la feuille les nomme, Oliver, 36 ans, Ophelia, 18 et Susanne, 46 ans.
A son décès (à bord du paquebot qui le ramenait pour une visite sur sa terre natale) en 1880, à l’âge de 60 ans, un avis de décès de la presse locale Louisianaise le décrit comme connu pour son hospitalité, ses qualités sociales, son énergie et son esprit civique….
Mais quelles ont-elles été vraiment ses qualités de “propriétaire” d’esclaves?
J’ose simplement espérer qu’il n’était pas des pires…..
Merci pour ce témoignage, Florence. Effectivement, on espère. Mais il est déjà glaçant de se dire que leur comportement dépendait de leur bon vouloir, puisqu’ils avaient tous les droits sur d’autres personnes…
un article très bien documenté, comme d’habitude, merci. Toutes deux on cherche en Louisiane, et toutes deux on se retrouve avec des cousins qui bien que modestes achètent des esclaves.. Signe de la banalité du phénomène à l’époque, hélas… Et en effet, c’est un peu lourd à digérer
J’y ai pensé en lisant ton P, et je crois qu’on est plus ou moins sur la même longueur d’onde. Surprenant, n’est-ce pas ?
Dans les recherches, on risque toujours de trouver des pans de vie, que l’on aimerait éviter.
Mais comme vous le dites, ne pas juger……
Et toujours se poser la question….qu’aurions nous fait à leur place ?
L’alphabet se déroule , j’ai appris beaucoup de choses et vous remercie.
Disons qu’il y a pas mal de choses sur lesquelles j’arrive à passer en essayant effectivement de ne pas plaquer un regard contemporain sur les siècles passés (le sort fait aux femmes n’est pas la moindre…). Mais ça, j’avoue que j’ai beaucoup de mal.
Effectivement, l’esclavagisme, ça décoiffe….
Une fois embarquée dans la généalogie de sa famille,il faut s’attendre au pire et au meilleur, sans juger .
Ce qu’il me tarde de découvrir : les descendants de cette branche familiale et les relations que vous entretenez désormais avec eux.
Patience ?
Ah non, ce ne sera pas pour cette fois-ci 😉 Car j’ai encore à explorer les générations plus récentes. En réalité, je ne pensais pas travailler autant en profondeur sur le sujet, juste faire un petit tour pour me bâtir un arbre américain et trouver des cousinages… et l’affaire a pris un tour tellement différent qu’il me reste presque tout à faire !